Somebody ate the fruit they told The Great to never eat I’m drippin', DNA steeze It’s like I’m born great, I’d be mad too, jeez Third world win it, first world outdated No mentor, all my heroes assassinated We’ve been here, reincarnated -Sampa the Great
Commentaire sur ‘Mauvais chiffre’
https://www.youtube.com/watch?v=ODixWkkcneM
Ta-Nehisi Coates publie un livre en 2015 intitulé ‘Between the world and me’ ou, en français, ‘Une colère noire : lettre à mon fils’. Il y explique, d’une manière particulièrement touchante, son expérience en tant qu’Afro-Américain dans le but de préparer son fils de 15 ans à ce qui l’attend en tant que Noir aux États-Unis. Dans le vidéo ci-dessus, il explique la peur constante qu’il ressent depuis l’âge de 4 ans; j’oserais dire que cette angoisse est la ligne directrice de son œuvre. Pourtant, cette peur lui a permis de créer malgré son enfance à Baltimore et le racisme qui l’entourait en tout temps.
L’art, que ce soit la littérature, la musique, la danse, la peinture ou autre est un mouvement de résistance. À mes yeux, les plus grands artistes sont révolutionnaires et avant-gardistes de par leur besoin viscéral de combattre leur malheur. Les Afro-Américains combattent depuis 400 ans ce racisme et ce mépris; l’art comme moyen de résistance date. Nous pouvons penser aux champs gospels des esclaves, montrés dans cet extrait de ’12 years a slave’ (https://www.youtube.com/watch?v=7oFcFzJT7Tw), qui ressemble à la combativité d’aujourd’hui via le ‘black joy’ que démontre si bien @yvesdropper en dansant devant les statues de personnages terriblement racistes dans le sud des États-Unis (https://www.instagram.com/p/CFFwotRBJMG/) ou les rythmes saccadés de Joey Bada$$, un rapper né dans le East Flatbush à Brooklyn, en duo avec Chronixx, un chanteur jamaïcain qui a fait plusieurs performances aux États-Unis (https://www.youtube.com/watch?v=2hVRs1sUubc).
L’art peut permettre de s’échapper, d’analyser, de combattre d’une façon autre que la violence. Le rap est apparu dans les conditions les plus épouvantables caractérisant les régions de New York réservées aux groupes racisés qui y habitaient dans les années 70. Les champs gospels sont apparus durant les pires années de l’esclavage aux États-Unis. L’appartenance à un groupe qui, en soit, ne partage pas forcément les même références culturelles est née de l’idéologie raciste de la hiérarchisation des r*ces, particulièrement forte dans le sud des États-Unis (même si l’hégémonie des ‘Blancs’ ne s’arrêtent pas à ses frontières). Profiter de cette idéologie pour s’unir et créer est phénoménal. Combattre cette suprématie par l’art est, d’après moi, une des plus belles traditions de désobéissance.
Texte public & texte caché
Le hip-hop symbolise une cassure avec le texte public imposé par l’hégémonie blanche. Les codes sociaux établis par les relations de domination sont enfin laissés de côté pour que les minorités américaines puissent exposées le texte caché de leur communauté. La crise de 1977 dans le Bronx est généralement vue comme le point de départ du hip hop; le soulèvement d’une partie de la population entièrement laisser à eux-mêmes dans un système qui les désavantage depuis des centaines d’années; la cumulation d’un système capitalisme qui se construit sur le dos de personnes pauvres, racisées, qui n’est d’aucune importance à la culture dominante est fort en signification. Des corps dont l’on peut disposer librement, des corps brutalisés depuis la nuit des temps, des corps que l’on épuise sans remords pour accéder à un rêve inaccessible. Le mouvement d’insubordination du Bronx démontre l’accablement des communautés noires américaines. L’art de résistance qu’est le rap naît des dominés qui crient haut et fort « Nous sommes là, nous existons et vos normes ne sont pas les nôtres. Voici notre texte caché. »
Toutefois, cette résistance renforce la différence coloniale du point de vue des Blanc.he.s : le stéréotype de dangerosité et d’animosité des Noir.e.s est mise de l’avant pour expliquer leur non complicité avec le système américain. La supposée violence innée des hommes noirs, surtout, est invoquée pour expliquer l’agressivité des propos du hip hop. L’hégémonie blanche n’est pas ébranlée; elle instrumentalise l’art des cultures marginalisés pour expliquer la violence coloniale qu’elle perpétue.
La forme masquée du discours des dominés
Le rap féminin dénonce une double discrimination difficilement approchable de par son besoin d’intersectionnalité qui n’est pas généralement acquis autant du côté de la communauté noire que du côté de la communauté féminine. Le sexisme et le racisme sont fortement intégrés dans nos normes sociales, ce qui fait en sorte que les femmes noires sont doublement à risque de vivre des violences au quotidien. Comme nous l’avons dans l’entrevue entre Angela Davis et Ice Cube, le sexisme d’un homme noir envers une femme noire se fait grandement ressentir par le commentaire d’Ice Cube revendiquant le droit des hommes noirs à accéder à une forme d’égalité avant les femmes noires. Ce n’est rien d’étonnant : les femmes blanches ont établi leur base féministe sur l’acquisition de droits sur le dos des femmes racisées d’une manière brutalement coloniale. Par exemple, les femmes blanches françaises, malgré la privation du droit de vote avant 1948, pouvaient avoir des esclaves et les exploiter aussi violemment que les hommes. Les femmes racisées ne sont pas incluses dans le féminisme civilisationnel et elles ne sont pas toujours incluses dans les mouvements de libération de la communauté noire. Cette double discrimination rend le rap féminin noir extrêmement intéressant : les femmes dans le hip hip dénonce les membres non-inclusifs de leur communauté et le sexisme auquel elles font face tout en critiquant la société raciste aux États-Unis.
Notre socialisation apporte l’intégration de normes qui peuvent nous nuire : le racisme, le sexisme, l’homophobie, la grossophobie intériorisés font partie de la vie de plusieurs. Il est difficile de se défaire de nos apprentissages problématiques, ce qui rend l’intersectionnalité complexe à atteindre. Les relations de pouvoir, la notion de dominés/dominants et la compartimentalisation hiérarchique des humains rendent la position des femmes racisées, ici des femmes noires, fâcheuse : non seulement doivent-elles défendre contre le racisme envers leur communauté, mais elles doivent aussi se défendre du sexisme à même cette communauté ainsi que le sexisme et le racisme intériorisés.