DE « PUPILLES DE L’ÉTAT » À SUJET DE RECONNAISSANCE? : Au cours des quarante dernières années au Canada, les efforts et les objectifs des peuples autochtones en matière d’autodétermination ont surtout été dépeint dans la langue de la reconnaissance. 

L’augmentation des demandes en matière de reconnaissance faites par les populations autochtones et les autres minorités marginalisées a engendré un besoin de comprendre les questions éthiques, politiques et juridiques que ce type de demandes implique. Reconnaissance positive (ou affirmative) et accommodation institutionnelle des différences culturelles et sur la liberté et l’autonomie de groupes marginalisés au sein d’États diversifiées sur le plan ethnique. Alors qu’avant 1969, les politiques canadiennes relatives aux Indiens prônaient ouvertement l’assimilation, elles sont maintenant ancrées dans le besoin de la reconnaissance mutuelle.

«Politique de la reconnaissance»: modèles de pluralisme libéral fondés sur le concept de reconnaissance, qui cherchent à réconcilier les revendications de statut de nation autochtone avec la souveraineté de l’État colonial en accommodant certaines demandes identitaires faites par les Autochtones grâce à un renouvellement des relations juridiques et politiques avec le gouvernement canadien. La politique de la reconnaissance telle qu’elle apparaît dans sa forme libérale actuelle reproduit les configurations du pouvoir colonialiste, raciste et patriarcal que les demandes des peuples autochtones en matière de reconnaissance essaient pourtant de transcender depuis des décennies.

LA RECONNAISSANCE : DE LA DIALECTIQUE DU MAÎTRE ET DE L’ESCLAVE CHEZ HEGEL À LA «POLITIQUE DE LA RECONNAISSANCE» DE CHARLES TAYLOR:

La dialectique de Hegel propose une théorie de la formation de l’identité qui situe les relations sociales au coeur de la subjectivité humaine. En effet, les rapports de reconnaissance sont perçus comme des éléments constituants la subjectivité : «l’on devient un sujet individuel seulement lorsque l’on reconnaît un autre sujet et que cet autre sujet nous reconnaît.» Notre identité dépend donc des rapports interpersonnels complexes qui la façonnent. Conditions intersubjectives requises pour la réalisation de la liberté humaine : La réalisation de soi en tant qu’agent autodéterminé requiert non seulement le fait d’être comme agent autodéterminé, mais également le fait d’être reconnu par une autre conscience de soi qui est elle aussi reconnue comme autodéterminée. Ce serait donc ces processus et échanges réciproques de la reconnaissance qui rendraient possible l’atteinte de la liberté humaine. Voilà pourquoi Hegel insiste autant sur la nature mutuelle des rapports de reconnaissance.

Charles Taylor avance que les humains ne développent pas leur identité «isolément» ; ils sont plutôt «façonnés» par le «dialogue avec leurs pairs, qu’ils soient d’accord avec la reconnaissance qu’ils obtiennent des autres ou non». Mais parce que nos identités se forment grâce à ces rapports, elles peuvent également être déformées quand ces processus n’aboutissent pas. Les identités sont formées non seulement par la reconnaissance, mais aussi par la non-reconnaissance ou la reconnaissance erronée des autres. Les individus peuvent subir une dénaturation lorsque la société autour d’eux leur renvoient une image réductrice, péjorative ou méprisante d’eux-mêmes. La non-reconnaissance et la reconnaissance erronée peuvent être la source de préjudice, une forme d’oppression, emprisonnant des individus dans un mode d’existence déformé, dégradé et faux.
Taylor suggère qu’au Canada, les peuples autochtones sont une minorité menacée qui devrait recevoir une forme de reconnaissance visant à accommoder leur singularité culturelle. Cela impliquerait de leur octroyer une «autonomie» culturelle et politique grâce aux institutions d’«autogouvernement». Il faudrait donc créer une nouvelle forme de gouvernement au Canada. Accommoder les revendications des Premières Nations permettrait aux collectivités autochtones de «préserver leur intégrité culturelle», et donc de contrer la désorientation psychologique et la non-liberté qui résultent de la non-reconnaissance et de la reconnaissance erronée. Un régime libéral de reconnaissance réciproque permettrait ainsi aux Autochtones d’atteindre le statut d’agents distincts et autodéterminés. 

POUR LE TERRITOIRE: «Culture» : totalité sociale d’un mode de vie distinct qui englobe l’économie, le politique, le spirituel et le social. L’État, en réponse aux revendication de reconnaissance, a négocié un règlement territorial. La Couronne s’est investie dans les affaires entourant les revendications territoriales pour «éteindre» les revendications de propriétés et de droits des Premières Nations en leur accordant des droits et des avantages limités. Dans les années 1970, le Canada exigeait des Autochtones qu’ils «cèdent» leurs droits et leurs titres pour parvenir au règlement d’une revendication.  Cela constituait le moyen le plus sûr de garantir que les intérêts de l’État entourant l’ouverture des territoires autochtones à l’investissement économique et au développement capitaliste soient satisfaits. Bien que l’État n’exige plus aujourd’hui que les droits ancestraux soient «éteints» comme condition préalable à un règlement, le but du processus n’a pas changé : faciliter l’«intégration» des peuples et territoires autochtones dans le mode de production capitaliste. L’État a insisté pour que toute accommodation institutionnelle de la différence culturelle autochtone soit compatible avec une seule forme politique, la souveraineté de l’État colonial, et un seul mode de production, le capitalisme.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *